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et des centaines de femmes prenaient un intérêt passionné à ces questions, les discutant sous toutes les faces dans leurs réunions particulières. On fondait des sociétés de traductrices, d’éditrices, d’imprimeuses et de relieuses, pour procurer du travail aux membres les plus pauvres de cette association fraternelle. Car les femmes allaient à Pétersbourg, prêtes à accepter n’importe quelle besogne pour vivre, soutenues par l’espoir de pouvoir elles aussi obtenir un jour leur part de haute culture intellectuelle. Une vie intense, exubérante régnait dans ces milieux féministes, offrant un violent contraste avec ce que je rencontrais ailleurs.

Comme le gouvernement avait nettement déclaré qu’il n’admettrait pas les femmes dans les universités déjà existantes, celles-ci faisaient tous leurs efforts pour obtenir la création d’universités spéciales. On leur disait au Ministère de l’Instruction Publique que les jeunes filles qui avaient passé par les Gymnases (lycées de jeunes filles) n’étaient pas préparées à suivre les cours des universités. « Très bien, répondaient-elles, permettez-nous d’ouvrir des cours intermédiaires, préparatoires à l’université et imposez-nous le programme qu’il vous plaira. Nous ne demandons à l’État aucun appui. Donnez-nous l’autorisation, et nous nous chargeons de tout. » L’autorisation, cela va sans dire, ne fut pas accordée.

Alors elles ouvrirent dans tous les quartiers de Pétersbourg des cours privés et des conférences de salon. Plusieurs professeurs d’université, favorables au nouveau mouvement, consentirent à y faire des cours. Quoique pauvres eux-mêmes, ils prévinrent les organisatrices que toute proposition d’honoraires serait considérée par eux comme une offense personnelle. En outre, tous les étés, on avait l’habitude de faire, sous la direction de professeurs de l’Université, des excursions scientifiques dans les environs de Pétersbourg, et la majeure partie des excursionnistes étaient des femmes.

Celles qui suivaient les cours d’accouchement obligeaient