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et ils vécurent plus de dix-huit mois tout près d’un village de naturels et en excellents termes avec ceux-ci. Maklaï avait pour principe d’être toujours loyal envers eux, et de ne jamais les tromper, pas même pour des choses sans importance, pas même dans un but scientifique. Sur ce point il était on ne peut plus scrupuleux. Lorsqu’il voyageait quelque temps après à travers la presqu’île de Malacca, il était accompagné d’un naturel qui n’était entré à son service qu’à la condition expresse de ne jamais être photographié. Les sauvages, comme on le sait, considèrent que quelque chose de leur individu disparaît lorsqu’on prend leur ressemblance à l’aide de la photographie. Maklaï, qui collectionnait alors des documents anthropologiques, confessait qu’un jour que l’homme était profondément endormi, il fut fortement tenté de le photographier. La tentation était d’autant plus forte que c’était un représentant typique de sa tribu et de d’ailleurs il n’aurait jamais su qu’il avait été photographié. Mais Maklaï se souvint de sa promesse et il ne la viola jamais. Lorsqu’il quitta la Nouvelle-Guinée, les naturels lui firent promettre de revenir ; et quelques années plus tard, bien que gravement malade, il tint parole et retourna là-bas. Malheureusement, cet homme remarquable n’a publié qu’une partie infinitésimale des observations inappréciables qu’il avait faites.

Fedtchenko, qui avait fait de grands voyages et des observations zoologiques dans le Turkestan — en compagnie de sa femme, Olga Fedtchenko, naturaliste elle aussi, — était, comme nous disions un « Occidental ». Il travaillait beaucoup pour présenter sous une forme soignée les résultats de ses observations. Mais il périt, malheureusement, en faisait l’ascension du Mont-Blanc. Plein d’une ardeur juvénile au retour de ses voyages dans les montagnes du Turkestan et rempli de confiance en ses propres forces, il entreprit cette ascension sans guides convenables et il périt dans une tempête de neige. Sa femme, heureusement, acheva la publication de ses « Voyages » après sa mort, et je