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Chapitre VI


LA VIE DE COUR À PÉTERSBOURG. — LE SYSTÈME D’ESPIONNAGE À LA COUR. — CARACTÈRE D’ALEXANDRE II. — L’IMPÉRATRICE. — LE PRINCE HÉRITIER. — ALEXANDRE III.


En juin 1861 je fus nommé sergent du corps des pages. Je dois dire que quelques officiers n’y voulaient pas consentir et disaient qu’il n’y aurait pas de discipline si j’étais sergent. Mais on ne pouvait faire autrement : il était de tradition que le premier élève de la classe supérieure fût nommé sergent, et j’étais à la tête de ma classe depuis plusieurs années. Cette promotion était considérée comme enviable, non seulement parce que le sergent occupait une position privilégiée à l’école et était traité comme un officier, mais surtout parce qu’il était en même temps le page de chambre de l’empereur, et être personnellement connu de l’empereur devait naturellement rendre plus facile l’obtention de nouvelles faveurs. Mais pour moi le point important c’était que cette fonction m’exemptait de toutes les corvées du service intérieur de l’école, qui étaient dévolues aux pages de chambre, et c’était encore que j’aurais, pour étudier, une chambre à part où je pourrais trouver le recueillement. D’autre part, la chose avait aussi son