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En même temps, l’astronomie élémentaire nous étant enseignée sous le nom de géographie mathématique, je me plongeai dans des lectures sur l’astronomie, surtout pendant la dernière année de mon séjour à l’école. La vie incessante de l’univers, que je concevais comme vie et comme évolution, devint pour moi une source inépuisable de haute poésie, et peu à peu le sentiment de l’unité de l’homme et de la nature animée et inanimée — la poésie de la nature — devint la philosophie de ma vie.

Si dans notre école l’enseignement avait été limité aux seules matières citées, notre temps aurait été déjà assez bien employé. Mais nos études s’étendaient aussi aux sciences humanitaires : l’histoire, le droit (c’est-à-dire les traits essentiels du code russe), les principes directeurs de l’économie politique et un cours de statistique comparée. En outre nous avions à apprendre des cours formidables de sciences militaires : tactique, histoire militaire (les campagnes de 1812 et de 1815 dans tous leurs détails), artillerie, art de la fortification. Quand je jette un regard rétrospectif sur cet enseignement, je suis convaincu que, abstraction faite des sujets relatifs à l’art de la guerre, qui auraient pu être avantageusement remplacés par une étude plus détaillée des sciences exactes, la variété des sujets qu’on nous enseignait ne dépassait pas les capacités d’un jeune homme d’intelligence moyenne. Grâce à une connaissance assez sérieuse des mathématiques élémentaires et de la physique, que nous avions acquises dans les classes inférieures, nous pouvions presque tous assimiler ces sujets.

Certaines matières du programme étaient négligées par la plupart d’entre nous, surtout le droit, et aussi l’histoire moderne qui nous était malheureusement enseignée par une vieille épave de professeur qu’on maintenait à son poste afin de pouvoir lui donner sa retraite entière. D’ailleurs une certaine latitude nous était laissée dans le choix des matières que nous préférions et tandis que nous subissions des examens sévères pour ces matières,