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sommaire me fut dévolu ; et le professeur, en vrai pédagogue, s’en rapporta entièrement à moi et se contenta de lire les épreuves. Lorsque nous arrivâmes au chapitre de la chaleur, de l’électricité et du magnétisme, il fallut les rédiger complètement de nouveau, et c’est ce que je fis, préparant ainsi un manuel de physique presque complet, qui fut lithographié pour l’usage de l’école.

En seconde nous commençâmes aussi à étudier la chimie. Nous avions là aussi un professeur de premier ordre : il aimait passionnément la chimie et s’était distingué par d’importantes recherches originales. Les années 1859 à 1861 se signalèrent, on le sait, par un développement particulier du goût des sciences exactes : Grove, Clausius, Joule et Séguin venaient de démontrer que la chaleur et toutes les forces physiques ne sont que des modes différents du mouvement ; Helmholtz commençait vers cette époque ses célèbres recherches sur le son ; et Tyndall, dans ses conférences populaires, faisait toucher du doigt, pour ainsi dire, les atomes et les molécules. Gerhardt et Avogado présentaient la théorie des substitutions, et Mendeléïev, Lothar Meyer et Newlands découvraient la loi périodique des éléments ; Darwin avec son Origine des Espèces révolutionnait toutes les sciences biologiques, tandis que Karl Vogt et Moleschott, marchant sur les traces de Claude Bernard, posaient les fondements de la psycho-physique. Ce fut une grande époque de renaissance scientifique, et le courant qui dirigeait les esprits vers les sciences naturelles fut irrésistible. Un grand nombre d’excellents livres furent à cette époque traduits en russe, et j’eus bientôt compris que, quelles que soient les études ultérieures d’un homme, il faut d’abord qu’il connaisse à fond les sciences naturelles et qu’il soit familiarisé avec leur méthode.

Cinq ou six d’entre nous s’unirent pour avoir un laboratoire à nous. Avec les appareils élémentaires recommandés aux débutants dans l’excellent manuel de Stöckhardt, nous installâmes notre laboratoire dans la petite chambre à coucher de deux camarades, les frères Zasetski.