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se révélaient à moi ; et à partir de ce moment, j’appris à apprécier beaucoup plus les sources originales de l’histoire que les ouvrages où l’on adapte aux vues modernes — les préjugés de la politique moderne ou même de simples formules reçues étant substitués à la vie réelle de la période étudiée. Il n’est rien qui donne une impulsion plus forte au développement intellectuel d’un individu que les recherches indépendantes, et ces études que je fis alors me furent par la suite extrêmement utiles.

Malheureusement, je dus les abandonner en entrant dans la seconde classe, l’avant-dernière du corps. Pendant ces deux dernières années, les pages devaient étudier à peu près tout ce qui était enseigné en trois « classes spéciales » dans les autres écoles militaires, et nous avions dès lors une quantité de travail considérable pour l’école. Les mathématiques, les sciences physiques et les sciences militaires reléguèrent nécessairement l’histoire à l’arrière-plan.

En seconde, nous commençâmes à étudier sérieusement la physique. Nous avions un excellent professeur, — un homme très intelligent qui avait un tour d’esprit très sarcastique. Il ne pouvait souffrir qu’on apprît par cœur et réussissait à nous faire penser au lieu de se contenter de nous faire apprendre les faits. C’était un bon mathématicien, et il donnait une base mathématique à son enseignement de la physique, tout en expliquant admirablement les idées directrices des recherches physiques et le principe des appareils employés. Quelques-unes de ses questions étaient si originales, et ses explications si excellentes qu’elles se sont gravées pour toujours dans ma mémoire.

Notre manuel de physique était assez bon (la plupart des livres des écoles militaires avaient été écrits par les hommes les plus compétents de ce temps), mais il était un peu vieux, et notre professeur, qui avait une méthode à lui, commença à préparer un court sommaire de ses leçons, une sorte d’aide-mémoire à l’usage de notre classe. Au bout de quelques semaines le soin d’écrire ce