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large conception philosophique et humaine, et éveiller des idées et des inspirations plus hautes dans les cerveaux et les cœurs des jeunes gens. En Russie cette tâche nécessaire incombe naturellement au professeur de littérature russe. En parlant du développement de la langue, de l’épopée primitive, des chants et de la musique populaire, et plus tard du roman moderne, de la littérature scientifique, politique et philosophique de son propre pays, et des courants esthétiques, politiques et philosophiques qui s’y reflètent, il lui faut bien présenter aux élèves cette conception générale de l’évolution de l’esprit humain, qui ne peut rentrer dans le programme des autres enseignements.

On devrait faire de même pour les sciences naturelles. Ce n’est pas suffisant d’enseigner la physique et la chimie, l’astronomie et la météorologie, la zoologie et la botanique. La philosophie de toutes les sciences naturelles — une vue générale de la nature conçue comme un tout, quelque chose dans le genre du premier volume du Cosmosde Humboldt, — devrait être enseignée aux élèves et aux étudiants, quelle que fût l’extension donnée dans l’école à l’enseignement des sciences naturelles. La philosophie et la poésie de la nature, les méthodes des sciences exactes, et une conception élevée de la vie de la nature devrait faire partie de l’éducation. Peut-être le professeur de géographie pourrait-il provisoirement se charger de cette mission, mais alors il nous faudrait avoir pour cette science de tout autres maîtres dans nos écoles, et par conséquent dans nos universités. Ce qu’on enseigne actuellement sous ce nom est tout ce qu’on veut, mais ce n’est pas de la géographie.

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Un autre maître sut conquérir d’une tout autre manière notre classe bruyante. C’était le professeur d’écriture, le dernier du personnel enseignant. Si les « païens » — c’est-à-dire les professeurs d’allemand et de français — étaient peu respectés, le professeur d’écriture Ebert, qui était un Juif allemand, était un véritable