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qu’à nos jours, constitua par la loi la puissance formidable du capital que le peuple cherche aujourd’hui à renverser.

Mais, pour maintes raisons qu’il sera bon de rappeler, les communistes du commencement de ce siècle marchèrent dans une voie tout à fait différente.

Les actes de la grande Révolution qui eurent le plus grand retentissement furent ses actes politiques. Il est vrai que le paysan s’était affranchi du régime féodal et qu’il avait repris une part des terres aux seigneurs. Mais il l’avait fait sans paroles ; si bien qu’aujourd’hui seulement l’historien découvre l’immensité de la révolution agraire accomplie par les jacqueries paysannes, en dépit de l’Assemblée nationale, des orateurs de la Convention qui cherchaient à arrêter la marche victorieuse des jacqueries par la répression. Dans les grandes assemblées de la Révolution, la parole fut toujours au politicien. Et, sous le couvert des grandes paroles, le politicien bourgeois avait forgé les chaînes qui tiennent encore les travailleurs des deux mondes asservis sous le joug du capital.

Vivant des souvenirs de la grande Révolution, les révolutionnaires de la France et de l’Angleterre des années vingt et trente rêvaient encore le retour aux formes politiques de la première République jacobine, comme le grand but à viser dans le développement du siècle. La liberté politique et l’égalité politique devaient être le grand remède à tous les maux.

Il fallait évidemment réagir contre cette tendance. Il fallait, avant tout, faire renaître dans la société l’idéal communiste, égaré, oublié dans les luttes politiques. Il fallait mettre l’idéal d’une égalité économique sous les yeux de tout le monde, montrer qu’avec les formes républicaines les plus avancées, l’esclave de la terre et de l’usine resterait toujours esclave, à moins d’abolir la propriété privée du sol et des instruments du travail.

De là cette tendance des premiers communistes — tendance qui se retrouve encore jusqu’à présent — à s’appesantir exclusivement sur la servitude économique et à n’attacher qu’une importance tout à fait secondaire aux formes politiques de la vie populaire. — « Les conditions économiques font tout. Celui qui est serf du sol ou de la machine ne peut pas être un citoyen libre. Et tant que l’esclavage économique durera, il ne pourra y avoir de liberté politique. »

Idée parfaitement juste. Idée qu’il fallait d’autant plus propager à cette époque, que l’initiative des mouvements progressifs venait alors de la bourgeoisie, et que la masse ouvrière et paysanne, assujettie à des douze et quinze heures de travail et plongée dans la misère,