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font jour dans la société et dont nous ne sommes que les porte-paroles.

Qu’on se souvienne seulement de l’idéal centralisateur, rigidement jacobin, des social-démocrates avant la Commune de Paris. À cette époque, c’étaient les anarchistes qui devaient parler de la possibilité de la Commune indépendante, de la communalisation de la richesse, de l’indépendance du métier, internationalement organisé. Eh bien, ces points sont aujourd’hui acquis pour les social-démocrates mêmes. Aujourd’hui la communalisation des instruments de production — non la nationalisation — est chose reconnue, et l’on voit jusqu’à des hommes politiques discuter sérieusement la question des docks de Londres municipalisés. « Les services publics », cette autre idée, pour laquelle les anarchistes eurent autrefois à soutenir tant de combats contre les jacobins centralisateurs dans les Congrès de l’Internationale, — aujourd’hui elle fait la pâleur des possibilistes.

Ou bien, prenez encore la grève générale, pour laquelle on nous traite de fous, et l’anti-militarisme qui nous faisait traiter de criminels par les révolutionnaires de la démocratie sociale !…

Ce qui pour nous est aujourd’hui de l’histoire ancienne, et qui n’évoque plus en nous qu’un sourire rêveur, comme une vieille fleur fanée, retrouvée dans un vieux livre, — fait les frais des programmes actuels de la social-démocratie. Si bien que l’on peut dire sans exagération que tout le progrès d’idées accompli depuis vingt ans par la social-démocratie n’a été que de recueillir les idées que l’anarchie laissait tomber sur son chemin, à mesure qu’elle se développait toujours. Relisez seulement les rapports jurassiens sur les services publics, les Idées sur l’organisation sociale, etc., pour lesquels les doctes savants du socialisme traitaient les « bakounistes » de fous enragés. C’est à ces sources que la social-démocratie boit à ce moment.