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Cet idéal est né du jacobinisme. Il a hérité des jacobins sa confiance en un principe gouvernemental. Il croit encore au gouvernement représentatif. Il croit encore à la centralisation des différentes fonctions de la vie humaine entre les mains d’un gouvernement.

Mais bien avant que cet idéal se fût rapproché tant soit peu de sa réalisation pratique, une conception de la société — la conception anarchiste — se présentait, s’annonçait, se développait. Une conception qui résume la méfiance populaire des gouvernements, qui réveille l’initiative individuelle et proclame ce principe, devenu de plus en plus évident : « Pas de société libre sans individus libres », et cet autre principe, proclamé par tout notre siècle : « Libre entente temporaire, comme base de toute organisation, de tout groupement. »

Et quelle que soit la société qui surgira de la Révolution européenne, elle ne sera plus républicaine dans le sens de 1793, elle ne sera plus communiste dans le sens de 1848, et elle ne sera plus État Ouvrier dans le sens de la démocratie sociale.

Le nombre d’anarchistes va toujours en croissant. Et dès aujourd’hui même la social-démocratie se voit obligée de compter avec eux. La diffusion des idées anarchistes se fait non seulement par l’action des anarchistes, mais — qui plus est — indépendamment de notre action. Témoins — la philosophie anarchiste de Guyau, la philosophie de l’histoire de Tolstoï, et les idées anarchistes que nous rencontrons chaque jour dans la littérature et dont le Supplément de La Révolte et des Temps Nouveaux est un témoignage vivant.

Enfin, l’action de la conception anarchiste sur l’idéal de la social-démocratie est évidente ; et cette action ne dépend qu’en partie de notre propagande : elle résulte surtout des tendances anarchistes qui se