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sément parce que cette appropriation est une injustice criante (toutes les autres formes de propriété ont le même caractère), qu’il a fallu tout un arsenal de lois et toute une armée de soldats, de policiers et de juges, pour le maintenir contre le bon-sens et le sentiment de justice inhérent à l’humanité.

Eh bien, la moitié de nos lois, — les codes civils de tout pays, — n’ont d’autre but que celui de maintenir cette appropriation, ce monopole, au profit de quelques-uns, contre l’humanité entière. Les trois-quarts des affaires jugées par les tribunaux ne sont que des querelles surgissant entre monopoleurs : deux voleurs se disputent le butin. Et une bonne partie de nos lois criminelles ont encore le même but, puisqu’elles ont pour objectif de maintenir l’ouvrier dans une position subordonnée à celle du patron afin d’assurer son exploitation.

Quant à garantir au producteur les produits de son travail, il n’y a pas même de lois qui s’en chargent. C’est si simple et si naturel, c’est si bien dans les mœurs et dans les habitudes de l’humanité, que la Loi n’y a même pas songé. Le brigandage ouvert, les armes à la main, n’est plus de notre siècle : un travailleur ne vient jamais non plus disputer à un autre travailleur les produits de son travail ; s’il y a malentendu entre eux, ils le vident sans avoir recours à la Loi, en s’adressant à un tiers. Si quelqu’un vient exiger d’un autre une certaine