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immobiliser les coutumes avantageuses à la minorité dominatrice, et l’Autorité militaire se charge de lui assurer l’obéissance. Le guerrier trouve en même temps dans cette nouvelle fonction un nouvel instrument pour assurer son pouvoir ; il n’a plus à son service une simple force brutale : il est le défenseur de la Loi.

Mais, si la Loi ne présentait qu’un assemblage de prescriptions avantageuses aux seuls dominateurs, elle aurait de la peine à se faire accepter, à se faire obéir. Eh bien, le législateur confond dans un seul et même code les deux courants de coutumes dont nous venons de parler : les maximes qui représentent les principes de moralité et de solidarité élaborés par la vie en commun, et les ordres qui doivent à jamais consacrer l’inégalité. Les coutumes qui sont absolument nécessaires à l’existence même de la société, sont habilement mêlées dans le Code aux pratiques imposées par les dominateurs, et prétendent au même respect de la foule. — « Ne tue pas ! » dit le Code et « Paye la dîme au prêtre ! » s’empresse-t-il d’ajouter. « Ne vole pas ! » dit le Code et aussitôt après : « Celui qui ne paiera pas l’impôt aura le bras coupé ».

Voilà la Loi, et ce double caractère elle l’a conservé jusqu’aujourd’hui. Son origine, — c’est le désir d’immobiliser les coutumes que les maîtres avaient imposées à leur avantage.