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effraye, ils préfèrent se cramponner au passé, lors même que ce passé représente la misère, l’oppression, l’esclavage. On peut même dire que plus l’homme est malheureux, plus il craint de changer quoi que ce soit, de peur de devenir encore plus malheureux ; il faut qu’un rayon d’espoir et quelque peu de bien-être pénètrent dans sa triste cabane, pour qu’il commence à vouloir mieux, à critiquer son ancienne manière de vivre, qu’il soit prêt à risquer pour amener un changement. Tant que cet espoir ne l’a pas pénétré, tant qu’il ne s’est pas affranchi de la tutelle de ceux qui utilisent ses superstitions et ses craintes, il préfère rester dans la même situation. Si les jeunes veulent changer quelque chose, les vieux poussent un cri d’alarme contre les novateurs ; tel sauvage se ferait plutôt tuer que de transgresser la coutume de son pays, car dès son enfance on lui a dit que la moindre infraction aux coutumes établies lui porterait malheur, causerait la ruine de toute la tribu. Et aujourd’hui encore, combien de politiciens, d’économistes et de soi-disant révolutionnaires agissent sous la même impression, en se cramponnant à un passé qui s’en va ! Combien n’ont d’autre souci que de chercher des précédents ! Combien de fougueux novateurs copistes des révolutions antérieures !

Cet esprit de routine qui puise son origine dans la superstition, dans l’indolence et dans