Page:Kropotkine - La Loi et l’autorité, 1892.djvu/14

Cette page a été validée par deux contributeurs.

issance à la loi, sans distinction de naissance ou de fortune » devaient exercer, il y a un siècle, sur l’esprit du manant. Lui, qu’on avait traité jusqu’alors plus cruellement qu’un animal, lui qui n’avait jamais eu aucun droit et n’avait jamais obtenu la justice contre les actes les plus révoltants du noble, à moins de se venger en le tuant et en se faisant pendre, — il se voyait reconnu par cette maxime, du moins en théorie, du moins quant à ses droits personnels, l’égal de son seigneur. Quelle que fût cette loi, elle promettait d’atteindre également le seigneur et le manant, elle proclamait l’égalité, devant le juge, du pauvre et du riche. Cette promesse était un mensonge, nous le savons aujourd’hui : mais à cette époque, elle était un progrès, un hommage rendu à la justice, comme « l’hypocrisie est un hommage rendu à la vérité ». C’est pourquoi, lorsque les sauveurs de la bourgeoisie menacée, les Robespierre et les Danton, se basant sur les écrits des philosophes de la bourgeoisie, les Rousseau et les Voltaire, proclamèrent « le respect de la loi égal pour tous » — le peuple, dont l’élan révolutionnaire s’épuisait déjà en face d’un ennemi de plus en plus solidement organisé, accepta le compromis. Il plia le cou sous le joug de la Loi, pour se sauver de l’arbitraire du seigneur.

Depuis, la bourgeoisie n’a cessé d’exploiter cette maxime qui, avec cet autre principe, le gouvernement représentatif, résume la phi-