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de raisonner par nous-mêmes. Nos sociétés semblent ne plus comprendre que l’on puisse vivre autrement que sous le régime de la loi, élaborée par un gouvernement représentatif et appliquée par une poignée de gouvernants ; et lors même qu’elles parviennent à s’émanciper de ce joug, leur premier soin est de le reconstituer immédiatement. « L’an I de la Liberté » n’a jamais duré plus d’un jour, car après l’avoir proclamé, le lendemain même on se remettait sous le joug de la Loi, de l’Autorité.

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En effet, voilà des milliers d’années que ceux qui nous gouvernent ne font que répéter sur tous les tons : Respect à la loi, obéissance à l’autorité ! Le père et la mère élèvent les enfants dans ce sentiment. L’école les raffermit, elle en prouve la nécessité en inculquant aux enfants des bribes de fausse science, habilement assorties : de l’obéissance à la loi elle fait un culte ; elle marie le bien et la loi des maîtres en une seule et même divinité. Le héros de l’histoire qu’elle a fabriquée, c’est celui qui obéit à la loi, qui la protège contre les révoltés.

Plus tard, lorsque l’enfant entre dans la vie publique, la société et la littérature, frappant chaque jour, à chaque instant, comme la goutte d’eau creusant la pierre, continuent à nous inculquer le même préjugé. Les livres d’histoire, de science politique, d’économie sociale regorgent de ce respect à la loi : on a même mis les