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pour elle le monopole du commerce maritime, de la puissance sur les mers et des riches colonies dans les Indes, — afin de pouvoir s’enrichir, par l’écoulement monopolisé des produits de son industrie, — profita de la révolution en France pour commencer contre elle toute une série de guerres. Se voyant assez riche pour payer les armées de la Prusse, de l’Autriche et de la Russie, elle fit à la France une succession de guerres terribles, désastreuses pendant un quart de siècle. La France dut se saigner à blanc pour soutenir ces guerres ; et ce ne fut qu’à ce prix qu’elle parvint à maintenir son droit de rester une « grande puissance ». C’est-à-dire, elle retint le droit de ne pas se soumettre à toutes les conditions que les monopolistes anglais voulaient lui imposer dans l’intérêt de leur commerce ; et elle retint le droit d’avoir une marine et des ports militaires. Frustrée dans ses plans d’expansion coloniale dans l’Amérique du Nord (elle avait perdu le Canada) et dans les Indes (elle dut y abandonner ses colonies), elle obtint la permission en retour de se créer un empire colonial en Afrique (à condition de ne pas toucher à l’Égypte), et d’enrichir ses monopolistes en pillant les Arabes en Algérie.

Plus tard, dans la seconde moitié du dix-neuvième siècle, ce fut le tour de l’Allemagne. Lorsque le servage y fut aboli à la suite des soulèvements de 1848, et que l’abolition de la propriété communale força les jeunes paysans à quitter en masse les campagnes pour les villes, où ils offraient leurs « bras inoccupés » aux entrepreneurs d’industrie pour des salaires de meurt-la-faim, — la grande industrie prit son essor dans divers États allemands. Les industriels allemands comprirent bientôt que si l’on donnait au peuple une bonne éducation réaliste, ils pourraient rapidement rattraper les pays de grande industrie, comme la France et l’Angleterre, — à la condition, bien entendu, de procurer à l’Allemagne des débouchés avantageux en dehors de ses frontières. Ils savaient ce que Proudhon avait si bien démontré : que