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de l’Afrique orientale, — qu’ils s’entendent sur « les sphères d’influence » en Asie, c’est-à-dire sur les conquêtes prochaines, pour qu’il se produise en Europe le même arrêt soudain des industries que l’on a vu aux États-Unis.

Au fond, cet arrêt commence déjà à se faire sentir. C’est pourquoi en Angleterre les compagnies de charbonnages et « les lords du coton » se montrent si intransigeants envers les ouvriers, et les poussent à la grève. Ils prévoient une diminution des demandes, et ils ont déjà trop de marchandises en magasin, trop de charbon entassé autour de leurs mines.

Lorsqu’on analyse de près ces faits de l’activité des États modernes, on comprend jusqu’à quel point toute la vie de nos sociétés civilisées dépend — non pas des faits du développement économique des nations, mais de la façon dont divers milieux de privilégiés, plus ou moins favorisés par les États, réagissent sur ces faits.

Ainsi, il est évident que l’entrée dans l’arène économique d’un aussi puissant producteur qu’est l’Allemagne moderne, avec ses écoles, son éducation technique répandue à pleines mains dans le peuple, son entrain juvénile et les capacités d’organisation de son peuple, devait changer les rapports entre nations. Un nouvel ajustement des forces devait se produire. Mais vu l’organisation spécifique des États modernes, l’ajustement des forces économiques est entravé par un nouveau facteur : les privilèges, les monopoles constitués et maintenus par l’État. Au fond, c’est toujours la haute finance qui fait la loi dans toutes les considérations politiques. Le « qu’en dira le baron de Rothschild ? » ou plutôt le « qu’en dira le Syndicat des banquiers de Paris, de Vienne, de Londres ? » est devenu l’élément dominant dans les questions politiques et les rapports entre nations. C’est l’approbation ou la désapprobation de la finance qui font et défont les ministères (en Angleterre, il y a en plus l’approbation de l’Église officielle et des