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les riches, tient les pauvres dans la misère, et les rend d’année en année plus asservis aux riches.

Maintenant une crise semblable à celle des États-Unis va se produire, selon toute probabilité, en Europe, et surtout en Angleterre, à la suite des mêmes causes.

Tout le monde fut ébahi l’été passé par l’augmentation soudaine et tout à fait imprévue des exportations anglaises. Rien dans le monde économique ne la faisait prévoir ; aucune explication n’en a été donnée, — précisément parce que la seule explication possible c’est que d’immenses commandes venaient du continent en prévision d’une guerre entre l’Angleterre et l’Allemagne. Cette guerre manqua d’éclater, on le sait, en juillet passé, et si elle avait éclaté, la France et la Russie, l’Autriche et l’Italie auraient été forcées d’y prendre part.

Il est évident que les gros financiers qui alimentaient de leur crédit les spéculateurs sur les denrées, les draps, les cuirs, les métaux, etc., avaient été avertis de la tournure menaçante que prenaient les rapports entre les deux rivales. Ils savaient comment les deux gouvernements activaient leurs préparatifs militaires, et ils s’empressèrent de faire leurs commandes qui grossirent outre mesure les exportations anglaises en 1911.

Mais c’est aussi à la même cause que nous devons cette hausse extraordinaire récente des prix de toutes les denrées sans exception, alors que ni le rendement des récoltes de l’année passée, ni les quantités de toutes sortes de marchandises dans les dépôts, ne justifiaient cette hausse. Le fait est, d’ailleurs, que la hausse des prix ne se répandit pas seulement sur les denrées : toutes les marchandises en furent atteintes, et la demande grandissait toujours, alors que rien n’expliquait cette demande exagérée, si ce n’est les prévisions de guerre.

Et maintenant il suffira que les gros spéculateurs coloniaux de l’Angleterre et de l’Allemagne arrivent à un arrangement concernant leurs parts dans le partage