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IV

Nous avons montré comment la nécessité de préparer à l’avance un formidable matériel de guerre et des amas de provisions de toutes sortes qui allaient être détruites en quelques mois en cas de guerre, produirait dans toutes les industries des soubresauts et des crises dont chacun de nous, et surtout les salariés, se ressentaient d’une façon terrible. En effet, on a pu s’en apercevoir très bien récemment aux États-Unis.

On se souvient sans doute de la terrible crise industrielle qui ravagea les États-Unis pendant ces trois ou quatre dernières années. En partie, elle dure encore. Eh bien ! l’origine de cette crise, — quoi qu’en aient dit les « savants » économistes qui connaissent les écrits de leurs prédécesseurs, mais ignorent la vie réelle, — la vraie origine de cette crise fut dans la production outrée des principales industries qui se fit pendant quelques années en prévision d’une guerre entre les grandes puissances de l’Europe, et d’une autre guerre entre les États-Unis et le Japon. Ceux qui poussaient à ces guerres savaient très bien l’effet que la prévision de ces conflits exercerait sur les industries américaines. Ce fut, en effet, pendant deux ou trois ans, une activité fiévreuse dans la métallurgie, les charbonnages, la fabrication du matériel des chemins de fer, des matériaux pour le vêtement, des conserves alimentaires.

L’extraction du minerai de fer et la fabrication de l’acier aux États-Unis attinrent, pendant ces années, des proportions tout à fait inattendues. C’est surtout de l’acier que l’on consomme pendant les guerres modernes, et les États-Unis en faisaient des provisions fantastiques, ainsi que des métaux, comme le nickel et la manganèse, requis pour fabriquer les sortes d’acier