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III

La Guerre et l’Industrie


Descendons maintenant un degré plus bas, et voyons comment l’État a créé dans l’industrie moderne toute une classe de gens directement intéressés à faire des nations des camps militaires, prêts à se ruer les uns sur les autres.

En ce moment, il existe, en effet, des industries immenses qui occupent des millions d’hommes, et qui n’existent que pour préparer le matériel de guerre ; ce qui fait que les propriétaires de ces usines et leurs bailleurs de fond ont tout intérêt à préparer des guerres et à maintenir la crainte des guerres prêtes à éclater.

Il ne s’agit pas ici de menu fretin, — des fabricants d’armes à feu de mauvaise qualité, de sabres à bon marché, et de revolvers qui ratent tout le temps, comme on en a à Birmingham, à Liège, etc. Ceux-ci ne comptent presque plus, quoique le commerce de ces armes, fait par les exportateurs qui spéculent sur les guerres « coloniales », soit déjà d’une certaine importance. Ainsi, on sait que des marchands anglais approvisionnaient d’armes les Matabélés, alors que ceux-ci se préparaient à se soulever contre les Anglais qui leur imposaient le servage. Plus tard, ce furent des fabricants français, et même des fabricants anglais très connus, qui firent des fortunes en envoyant des armes, des canons et des munitions aux Boërs. Et en ce moment même on parle de quantités d’armes importées par les marchands anglais en Arabie, — ce qui amènera des soulèvements de tribus, le pillage de quelques marchands et — l’intervention anglaise, pour « rétablir l’ordre » et faire quelque nouvelle « annexion ».