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complots tramés par les flibustiers de la finance. Ceux-ci exploitent tout : rivalités politiques et économiques, inimitiés nationales, traditions diplomatiques et conflits religieux.

Dans toutes les guerres de ce dernier quart de siècle, on trouve la main de la haute finance. La conquête de l’Égypte, l’annexion de Tripoli, l’occupation du Maroc, le partage de la Perse, les guerres du Japon — partout on retrouve les grandes banques ; — partout la haute finance a eu la voix décisive. Et si jusqu’à ce jour la grande guerre européenne n’a pas encore éclaté, c’est que la haute finance hésite encore. Elle ne sait pas trop de quel côté penchera la balance des milliards qui seront mis en jeu ; elle ne sait pas sur quel cheval mettre ses milliards.

Quant aux centaines de mille vies humaines que coûtera la guerre, — qu’est-ce que la finance à y voir ! L’esprit du financier raisonne par millions, — par colonnes de chiffres qui se balancent mutuellement. Le reste n’est pas de son domaine : il ne possède même pas l’imagination nécessaire pour faire intervenir les vies humaines dans ses raisonnements.

Quel monde ignoble à dévoiler, si quelqu’un se donnait seulement la peine d’étudier les coulisses de la haute pègre de la finance ! On le devine, rien que par le tout petit coin de voile soulevé par « Lysis » dans ses articles de La Revue (parus en 1908 en volume sous ce titre : Contre l’oligarchie financière en France).

On voit, en effet, par ce petit travail, comment quatre ou cinq banques, — le Crédit Lyonnais, la Société Générale, le Comptoir National d’Escompte et le Crédit Industriel et Commercial, — possèdent en France le monopole absolu des grandes opérations financières.

La plus grande partie — près des huit dixièmes de l’épargne française, qui se monte chaque année à peu près à deux milliards, est versée dans ces grandes banques ; et lorsque les États étrangers, grands et petits,