ce que celle-ci, abominablement pauvre, avec un tiers de sa population souffrant chaque année de la disette, aurait jamais pu supporter les guerres napoléoniennes, venues à la suite des guerres terribles que la République eut à soutenir en 1792-1799, lorsqu’elle avait toute l’Europe sur les bras ?
C’est une nouvelle France qui se constitue dès 1792, 1793. La disette règne bien dans beaucoup de départements, et elle se fait sentir avec toutes ses horreurs après le coup d’État de thermidor, lorsque le maximum du prix des subsistances est aboli. Il y a toujours des départements qui ne produisent pas assez de blé pour leur nourriture, et, comme la guerre continue, et que tous les moyens de transport sont absorbés par elle, il y a disette dans ces départements. Mais tout porte à prouver que la France produit déjà beaucoup plus de denrée de toute sorte qu’elle n’en produisait en 1789.
Jamais labour ne fut aussi énergique, dit Michelet, que celui de 1792, lorsque le paysan traçait le sillon sur les terres qu’il avait reprises aux seigneurs, aux couvents, aux églises, et qu’il criait, Allons, Prusse ! allons, Autriche ! en piquant ses bœufs. Jamais on n’a tant défriché de terres, — les écrivains royalistes en conviennent, — que pendant ces années de révolution. La première bonne récolte, en 1794, amena l’aisance dans les deux tiers de la France. Dans les villages, bien entendu, car les villes étaient tout le temps sous la menace de manquer de vivres. Non pas qu’il en manquât en France, ou que les municipalités sans-culottes n’eussent pas pris leurs mesures pour nourrir ceux qui ne trouvaient pas de travail, mais parce que toutes les