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ce parti d’anarchistes a dominé et domine presque toutes les délibérations de la Convention et les opérations du Conseil exécutif ; 2o que ce parti a été, et est encore l’unique cause de tous les maux, tant intérieurs qu’extérieurs, qui affligent la France ; 3o qu’on ne peut sauver la République qu’en prenant une mesure rigoureuse pour arracher les représentants de la nation au despotisme de cette faction. »

Pour quiconque connaît le caractère de l’époque, ce langage est assez clair. Brissot demandait tout simplement la guillotine pour ceux qu’il appelait les anarchistes et qui, en voulant continuer la Révolution et achever l’abolition de l’ordre féodal, empêchaient les bourgeois, et notamment les Girondins, de faire tranquillement leur cuisine bourgeoise à la Convention.

« Il faut donc bien définir cette anarchie », dit le représentant girondin, et voici sa définition :

« Des lois sans exécution, des autorités sans force et avilies, le crime impuni, les propriétés attaquées, la sûreté des individus violée, la morale du peuple corrompue ; ni constitution, ni gouvernement, ni justice ; voilà les traits de l’anarchie ! »

Mais, n’est-ce pas précisément ainsi que se sont faites toutes les révolutions ? Comme si Brissot lui-même ne le sait pas et ne l’avait pas pratiqué avant d’arriver au pouvoir ! Pendant trois ans, depuis mai 1789 jusqu’au 10 août 1792, il fallut bien avilir l’autorité du roi et en faire une « autorité sans force », afin de pouvoir la renverser le 10 août.

Seulement, ce que Brissot voulait, c’est que, arrivée jusqu’à ce point — la Révolution cessât le même jour.