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« Mon Dieu, mon ami, que tout va mal ! » écrivait madame Jullien le 30 juin 1793, à son mari. « Car, remarquez que la conduite de l’Assemblée irrite tellement la masse que, quand il plaira à Louis XVI, de prendre le fouet de Louis XIV pour chasser ce débile parlement, on criera bravo de tous côtés, dans de bien différents sentiments, il est vrai ; mais qu’importe aux tyrans, pourvu que l’accord favorise leurs desseins ! L’aristocratie bourgeoise est dans le délire, le peuple dans l’abattement du désespoir, aussi les orages couvent. » (p. 164.)

Qu’on rapproche ces mots de deux de Chaumette cités plus haut ; et l’on comprendra que pour l’élément révolutionnaire de la population parisienne, l’Assemblée devait représenter un boulet attaché aux pieds de la Révolution[1].

    été fait sans ma participation… Le lendemain de son arrivée à Paris, je passai avec lui une partie de la nuit ; il fut question entre nous de déclarer la guerre aux Jacobins dans Paris même, et dans toute la force du terme. » Leur plan était de réunir « tous les propriétaires qui étaient inquiets, tous les opprimés qui étaient nombreux » et de proclamer : Point de Jacobins, point de Coblentz ; d’entraîner le peuple au club des Jacobins, « d’arrêter leurs chefs, de saisir leurs papiers et de raser leur maison. M. de Lafayette le voulait de toute sa force; il avait dit au roi : Il faut détruire les Jacobins physiquement et moralement. Ses timides amis s’y opposèrent… Il me jura du moins que, de retour à son armée, il travaillerait sur-le-champ aux moyens de délivrer le roi. » Cette lettre de Lally-Tolendal est donnée en entier par Buchez et Roux, XVII, p. 227 et suiv.

    Et malgré tout, « les commissaires envoyés à Lafayette après le 10 août avaient dans leurs instructions de lui offrir la première place dans le nouvel ordre des choses ».

    La trahison, à l’Assemblée, parmi les Girondins, était, on le voit, plus profonde qu’on ne le pense.

  1. « Dans ces moments, l’horizon se charge de vapeurs qui doivent produire une explosion », écrivait madame Jullien le 8 août. « L’Assemblée me semble trop faible pour seconder le vœu du peuple, et le peuple me semble trop fort pour se laisser dompter par elle.