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qu’elles soient, sont la proie du plus coupable brigandage », dit le Comité des rapports. « De tous les côtés, les châteaux sont brûlés, les couvents sont détruits, les fermes sont abandonnées au pillage. Les impôts, les redevances seigneuriales, tout est détruit. Les lois sont sans force, les magistrats sans autorité… » Et le rapport demande que l’Assemblée blâme hautement les troubles et déclare « que les lois anciennes (les lois féodales) subsistent jusqu’à ce que l’autorité de la nation les ait abrogées ou modifiées ; que toutes les redevances et prestations accoutumées doivent être payées, comme par le passé, jusqu’à ce qu’il en ait été ordonné autrement par l’Assemblée. »

« Ce ne sont pas les brigands qui font cela ! » s’écrie le duc d’Aiguillon ; « dans plusieurs provinces le peuple tout entier forme une ligue pour détruire les châteaux, pour ravager les terres et surtout pour s’emparer des chartriers où les titres des propriétés féodales sont en dépôt. » Ce n’est certainement pas l’enthousiasme qui parle : c’est plutôt la peur[1].

L’Assemblée allait, par conséquent, prier le roi de prendre des mesures féroces contre les paysans révoltés. Il en avait déjà été question la veille, le 3 août. Mais depuis quelques jours, un certain nombre de nobles, un peu plus avancés dans leurs idées que le reste de leur classe, et qui voyaient plus clair dans les événements, — le vicomte de Noailles, le duc d’Aiguillon, le duc de

  1. « Ravager les terres » voulait probablement dire qu’en certains endroits, les paysans fauchaient les récoltes des seigneurs — « dans le vert », comme disaient les rapports. On était d’ailleurs fin juillet, les blés approchaient de la maturité, — et le peuple, qui n’avait rien à manger, fauchait les blés des seigneurs.