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rons l’arrivée, — non dans deux cents ans d’ici, — mais dans un avenir prochain.


III

L’idée anarchiste en général et celle d’expropriation en particulier trouvent beaucoup plus de sympathies qu’on ne le pense, parmi les hommes indépendants de caractère et ceux pour lesquels l’oisiveté n’est pas l’idéal suprême. « Cependant », nous disent souvent nos amis, « gardez-vous d’aller trop loin ! Puisque l’humanité ne se modifie pas en un jour, ne marchez pas trop vite dans vos projets d’expropriation et d’anarchie ! Vous risqueriez de ne rien faire de durable ».

Eh bien, ce que nous craignons, en fait d’expropriation, ce n’est nullement d’aller trop loin. Nous craignons, au contraire, que l’expropriation se fasse sur une échelle trop petite pour être durable ; que l’élan révolutionnaire s’arrête à mi-chemin ; qu’il s’épuise en demi-mesures qui ne sauraient contenter personne et qui, tout en produisant un bouleversement formidable dans la société et un arrêt de ses fonctions, ne seraient cependant pas viables, sèmeraient le mécontentement général et amèneraient fatalement le triomphe de la réaction.

Il y a, en effet, dans nos sociétés, des rapports établis qu’il est matériellement impossible de modifier si on y touche seulement en partie. Les divers rouages de notre organisation économique sont si intimement