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— « Soit, nous dit-on. Mais il vous viendra des Rothschilds du dehors. Pourrez-vous empêcher qu’un individu ayant amassé des millions en Chine vienne s’établir parmi vous ? Qu’il s’y entoure de serviteurs et de travailleurs salariés, qu’il les exploite et qu’il s’enrichisse à leurs dépens ? »

— « Vous ne pouvez pas faire la Révolution sur toute la terre à la fois. Ou bien, allez-vous établir des douanes à vos frontières, pour fouiller les arrivants et saisir l’or qu’ils apporteront ? — Des gendarmes anarchistes tirant sur les passants, voilà qui sera joli à voir ! »

Eh bien, au fond de ce raisonnement il y a une grosse erreur. C’est qu’on ne s’est jamais demandé d’où viennent les fortunes des riches. Un peu de réflexion suffirait pour montrer que l’origine de ces fortunes est la misère des pauvres.

Là où il n’y aura pas de misérables, il n’y aura plus de riches pour les exploiter.


Voyez un peu le moyen-âge, où les grandes fortunes commencent à surgir.

Un baron féodal a fait main basse sur une fertile vallée. Mais tant que cette campagne n’est pas peuplée, notre baron n’est pas riche du tout. Sa terre ne lui rapporte rien : autant vaudrait posséder des biens dans la lune. Que va faire notre baron pour s’enrichir ? Il cherchera des paysans !

Cependant, si chaque agriculteur avait un lopin de terre libre de toute redevance ; s’il avait, en outre, les outils et le bétail nécessaires pour le labour, qui donc irait défricher les terres du baron ? Chacun resterait chez soi. Mais il y a des populations entières de misérables. Les uns ont été ruinés par les guerres,