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nant à mettre au jour que des proclamations ronflantes ; tous se prenant au sérieux, tandis que la vraie force du mouvement sera dans la rue.

Tout cela peut amuser ceux qui aiment le théâtre. Mais encore, ce n’est pas la révolution ; il n’y a rien de fait !


Pendant ce temps-là le peuple souffre. Les usines chôment, les ateliers sont fermés ; le commerce ne va pas. Le travailleur ne touche même plus le salaire minime qu’il avait auparavant ; le prix des denrées monte !

Avec ce dévouement héroïque qui a toujours caractérisé le peuple et qui va au sublime lors des grandes époques, il patiente. C’est lui qui s’écriait en 1848 : « Nous mettons trois mois de misère au service de la République » pendant que les « représentants » et les messieurs du nouveau gouvernement, jusqu’au dernier argousin, touchaient régulièrement leur paie ! Le peuple souffre. Avec sa confiance enfantine, avec la bonhomie de la masse qui croit en ses meneurs, il attend que là-haut, à la Chambre, à l’Hôtel de Ville, au Comité de Salut Public — on s’occupe de lui.

Mais là-haut on pense à toute sorte de choses, excepté aux souffrances de la foule. Lorsque la famine ronge la France en 1793 et compromet la révolution ; lorsque le peuple est réduit à la dernière misère, tandis que les Champs-Elysées sont sillonnés de phaétons superbes où des femmes étalent leurs parures luxueuses, Robespierre insiste aux Jacobins pour faire discuter son mémoire sur la Constitution anglaise ! Lorsque le travailleur souffre en 1848 de l’arrêt général de l’industrie, le Gouvernement provisoire et la Chambre disputaillent sur les pensions militaires et le travail