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usine, à perfectionner les machines ; ils ont travaillé dans la pleine mesure de leurs forces — et qui donc peut donner plus que cela ? — Mais il est, lui, venu au monde plus pauvre que le dernier des sauvages. S’il obtient la permission de s’appliquer à la culture d’un champ, c’est à condition de céder le quart du produit à son maître et un autre quart au gouvernement et aux intermédiaires. Et cet impôt, prélevé sur lui par l’État, le capitaliste, le seigneur et l’entremetteur, grandira toujours et rarement lui laissera même la faculté d’améliorer ses cultures. S’il s’adonne à l’industrie, on lui permettra de travailler, — pas toujours d’ailleurs — mais à condition de ne recevoir qu’un tiers ou la moitié du produit, le restant devant aller à celui que la loi reconnaît comme le propriétaire de la machine.

Nous crions contre le baron féodal qui ne permettait pas au cultivateur de toucher à la terre, à moins de lui abandonner le quart de sa moisson. Nous appelons cela l’époque barbare. Mais, si les formes ont changé, les relations sont restées les mêmes. Et le travailleur accepte, sous le nom de contrat libre, des obligations féodales ; car nulle part il ne trouverait de meilleures conditions. Le tout étant devenu la propriété d’un maître, il doit céder ou mourir de faim !


Il résulte de cet état des choses que toute notre production se dirige à contre-sens. L’entreprise ne s’émeut guère des besoins de la société : son unique but est d’augmenter les bénéfices de l’entrepreneur. De là, les fluctuations continuelles de l’industrie, les crises à l’état chronique, — chacune d’elles jetant sur le pavé des travailleurs par centaines de mille.