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bution plus forte pour ses œuvres ? Est-ce le médecin qui a deviné la maladie, ou la garde-malade qui a assuré la guérison par ses soins hygiéniques ?

Est-ce l’inventeur de la première machine à vapeur, ou le garçon qui, un jour, las de tirer la corde qui servait jadis à ouvrir la soupape pour faire entrer la vapeur sous le piston, attacha cette corde au levier de la machine et alla jouer avec ses camarades, sans se douter qu’il avait inventé le mécanisme essentiel de toute machine moderne — la soupape automatique ?

Est-ce l’inventeur de la locomotive, ou cet ouvrier de Newcastle, qui suggéra de remplacer par des traverses en bois les pierres que l’on mettait jadis sous les rails et qui faisaient dérailler les trains faute d’élasticité ? Est-ce le mécanicien sur la locomotive ? L’homme qui, par ses signaux, arrête les trains ? L’aiguilleur qui leur ouvre les voies ?

À qui devons-nous le câble transatlantique ? Serait-ce à l’ingénieur qui s’obstinait à affirmer que le câble transmettrait les dépêches, tandis que les savants électriciens déclaraient la chose impossible ? A Maury, le savant qui conseilla d’abandonner les gros câbles pour d’autres aussi minces qu’une canne ? Ou bien encore à ces volontaires venus on ne sait d’où, qui passaient nuit et jour sur le pont à examiner minutieusement chaque mètre du câble pour enlever les clous que les actionnaires des compagnies maritimes faisaient enfoncer bêtement dans la couche isolante du câble, afin de le mettre hors de service ?

Et, dans un domaine encore plus vaste, le vrai domaine de la vie humaine avec ses joies, ses douleurs et ses accidents, — chacun de nous ne nommera-t-il pas quelqu’un qui lui aura rendu dans sa vie