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trois ou quatre fois plus élevé que celui de l’agriculteur. Les frais nécessaires pour produire un tisserand ne sont pas quatre fois plus considérables que les frais nécessaires pour produire un paysan. Le tisserand bénéficie simplement des avantages dans lesquels l’industrie est placée en Europe, par rapport aux pays qui n’ont pas encore d’industrie.

Personne n’a jamais calculé ces frais de production. Et si un fainéant coûte bien plus à la société qu’un travailleur, reste encore à savoir si, tout compté, — mortalité des enfants ouvriers, anémie qui les ronge et morts prématurées, — un robuste journalier ne coûte pas plus à la société qu’un artisan.

Voudra-t-on nous faire croire, par exemple, que le salaire de trente sous que l’on paie à l’ouvrière parisienne, les six sous de la paysanne d’Auvergne qui s’aveugle sur les dentelles, ou les quarante sous par jour du paysan représentent leurs « frais de production ». Nous savons bien qu’on travaille souvent pour moins que cela, mais nous savons aussi qu’on le fait exclusivement parce que, grâce à notre superbe organisation, il faut mourir de faim sans ces salaires dérisoires.

Pour nous l’échelle des salaires est un produit très complexe des impôts, de la tutelle gouvernementale, de l’accaparement capitaliste, du monopole, — de l’État et du Capital en un mot. — Aussi disons nous que toutes les théories sur l’échelle des salaires ont été inventées après coup pour justifier les injustices existant actuellement, et que nous n’avons pas à en tenir compte.


On ne manquera pas non plus de nous dire que l’échelle collectiviste des salaires serait cependant un