Page:Kropotkine - La Conquête du pain.djvu/222

Cette page a été validée par deux contributeurs.

toutes les usines ; car aucune mesure de sévérité, aucun système d’espionnage n’y pourraient rien. Il fallait voir l’hiver dernier la terreur provoquée parmi les industriels anglais lorsque quelques agitateurs se sont mis à prêcher la théorie du Co-Canny, « à mauvaise paie, mauvais travail ; filez à la douce, ne vous esquintez pas, et gâchez tout ce que vous pourrez ! » — « On démoralise le travailleur, on veut tuer l’industrie ! » criaient ceux-mêmes qui tonnaient jadis contre l’immoralité de l’ouvrier et la mauvaise qualité de ses produits. Mais si le travailleur était ce que le représentent les économistes — le paresseux qu’il faut sans cesse menacer du renvoi de l’atelier — que signifierait ce mot de « démoralisation ? »


Ainsi, quand on parle de fainéantise possible, il faut bien comprendre qu’il s’agit d’une minorité, d’une infime minorité dans la société. Et avant de légiférer contre cette minorité, ne serait-il pas urgent d’en connaître l’origine ?

Quiconque observe d’un regard intelligent sait très bien que l’enfant réputé paresseux à l’école est souvent celui qui comprend mal ce qu’on lui enseigne mal. Très souvent encore, son cas provient d’anémie cérébrale, suite de la pauvreté et d’une éducation antihygiénique.

Tel garçon, paresseux pour le latin et le grec, travaillerait comme un nègre si on l’initiait aux sciences, surtout par l’intermédiaire du travail manuel. Telle fillette réputée nulle en mathématiques devient la première mathématicienne de sa classe si elle est tombée par hasard sur quelqu’un qui a su saisir et lui expliquer ce qu’elle ne comprenait pas dans les éléments de l’arithmétique. Et tel ouvrier, nonchalant