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bien enfin, distribuer, comme l’Académie, des jetons de présence ? Il est évident qu’on ne fera ni l’un ni l’autre, mais qu’un jour on dira au camarade qui menace de faire péricliter l’entreprise : — « Mon ami, nous aimerions bien travailler avec toi ; mais comme tu manques souvent à ton poste, ou que tu fais négligemment ta besogne, nous devons nous séparer. Va chercher d’autres camarades qui s’accommoderont de ta nonchalance ! »

Ce moyen est si naturel qu’il se pratique partout aujourd’hui, dans toutes les industries, en concurrence avec tous les systèmes possibles d’amendes, de déductions de salaire, de surveillance, etc. ; l’ouvrier peut entrer à l’usine à l’heure fixe, mais s’il fait mal son travail, s’il gêne ses camarades par sa nonchalance ou d’autres défauts, s’ils se brouillent, c’est fini. Il est forcé de quitter l’atelier.

On prétend généralement que le patron omniscient et ses surveillants maintiennent la régularité et la qualité du travail dans l’usine. En réalité, dans une entreprise tant soit peu compliquée, dont la marchandise passe par plusieurs mains avant d’être terminée, c’est l’usine elle-même, c’est l’ensemble des travailleurs, qui veillent aux bonnes conditions du travail. C’est pourquoi les meilleures usines anglaises de l’industrie privée ont si peu de contre-maîtres — bien moins, en moyenne, que les usines françaises, et incomparablement moins que les usines anglaises de l’État.

Il en est de cela comme du maintien d’un certain niveau moral dans la société. On prétend en être redevable au garde-champêtre, au juge et au sergent de ville ; tandis qu’en réalité il se maintient malgré le juge, le sergent et le garde-champêtre. — «  Beaucoup