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de nos bras. On le reconnaît au premier coup d’œil, et on l’accepte toujours, quitte à se défaire le lendemain d’un ouvrier âgé ou moins actif. » Et celui qui vient d’être renvoyé, tous ceux qui le seront demain, vont renforcer cette immense armée de réserve du capital — les ouvriers sans travail — qu’on n’appelle aux métiers et aux établis qu’aux moments de presse, ou pour vaincre la résistance des grévistes. Ou bien, ce rebut des meilleures usines, ce travailleur moyen, va rejoindre l’armée tout aussi formidable des ouvriers âgés ou médiocres, qui circule continuellement entre les usines secondaires, — celles qui couvrent à peine leurs frais et se tirent d’affaire par des trucs et des pièges tendus à l’acheteur, et surtout au consommateur des pays éloignés.


Et si vous parlez au travailleur lui-même, vous saurez que la règle des ateliers est que l’ouvrier ne fasse jamais tout ce dont il est capable. Malheur à celui qui, dans une usine anglaise, ne suivrait pas ce conseil, qu’à son entrée il reçoit de ses camarades !

Car les travailleurs savent que si, dans un moment de générosité, ils cèdent aux instances d’un patron et consentent à intensifier le travail pour achever des ordres pressants, ce travail nerveux sera exigé dorénavant comme règle dans l’échelle des salaires. Aussi, dans neuf usines sur dix, préfèrent-ils ne jamais produire autant qu’ils le pourraient. Dans certaines industries, on limite la production, afin de maintenir les prix élevés, et parfois on se passe le mot d’ordre de Co-canny qui signifie : « À mauvaise paie mauvais travail ! »

Le labeur salarié est un labeur de serf : il ne peut pas, il ne doit pas rendre tout ce qu’il pourrait