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change de lettres et de propositions, par des congrès où les délégués venaient discuter telle question spéciale, — non pour légiférer ; — et après les congrès, les délégués revenaient vers leurs compagnies, non pas avec une loi, mais avec un projet de contrat à ratifier ou à rejeter.

Certes, il y a eu des tiraillements. Certes, il y a eu des obstinés qui ne voulaient pas se laisser convaincre. Mais, l’intérêt commun a fini par accorder tout le monde sans qu’on ait eu besoin d’invoquer des armées contre les récalcitrants.

Cet immense réseau de chemins de fer reliés entre eux, et ce prodigieux trafic auquel ils donnent lieu, constituent certainement le trait le plus frappant de notre siècle ; — et sont dus à la libre entente. — Si quelqu’un l’avait prévu et prédit, il y a cinquante ans, nos grands-pères l’auraient cru fou ou imbécile. Ils se seraient écriés : « Jamais vous ne parviendrez à faire entendre raison à cent compagnies d’actionnaires ! C’est une utopie, un conte de fée que vous nous racontez là. Un gouvernement central, avec un directeur à poigne, pourrait seul l’imposer. »

Eh bien, ce qu’il y a de plus intéressant dans cette organisation est qu’il n’y a aucun gouvernement central européen des chemins de fer ! Rien ! Point de ministre des chemins de fer, point de dictateur, pas même un parlement continental, pas même un comité dirigeant ! Tout se fait par contrat.

Et nous demandons à l’étatiste qui prétend que « jamais on ne pourra se passer de gouvernement central, ne fût-ce que pour régler le trafic », nous lui demandons :

« Mais comment les chemins de l’Europe peuvent-ils s’en passer ? Comment parviennent-ils à faire voya-