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IV

La littérature, la science et l’art doivent être servis par des volontaires. C’est à cette condition seulement qu’ils parviendront à s’affranchir du joug de l’État, du Capital et de la médiocrité bourgeoise qui les étouffent.

Quels moyens le savant a-t-il aujourd’hui de faire les recherches qui l’intéressent ? — Demander le secours de l’État, qui ne peut être accordé à plus d’un aspirant sur cent et que nul n’obtiendra s’il ne s’engage ostensiblement à battre les sentiers frayés et à marcher dans les vieilles ornières ! Souvenons-nous de l’Institut de France condamnant Darwin, de l’Académie de Saint-Pétersbourg repoussant Mendéléïeff, et de la Société Royale de Londres refusant de publier, comme « peu scientifique » le mémoire de Joule qui contenait la détermination de l’équivalent mécanique de la chaleur[1].

C’est pourquoi toutes les grandes recherches, toutes les découvertes révolutionnant la science ont été faites en dehors des Académies et des Universités, soit par des gens assez riches pour rester indépendants, comme Darwin et Lyell, soit par des hommes qui minaient leur santé en travaillant dans la gêne et trop souvent dans la misère, faute de la-

  1. Nous le savons par l’illustre savant Playfair, qui l’a raconté récemment à la mort de Joule.