prophétiser, nous devons voir quelle serait la marche de la Révolution, au moins dans ses traits essentiels.
Certainement, il est très désirable que toute l’Europe se soulève à la fois, que partout on exproprie, et que partout on s’inspire des principes communistes. Un pareil soulèvement faciliterait singulièrement la tâche de notre siècle.
Mais tout porte à croire qu’il n’en sera pas ainsi. Que la révolution embrase l’Europe, — nous n’en doutons pas. Si l’une des quatre grandes capitales du continent — Paris, Vienne, Bruxelles, ou Berlin — se soulève et renverse son gouvernement, il est presque certain que les trois autres en feront autant à quelques semaines de distance. Il est aussi fort probable que dans les péninsules, et même à Londres et à Pétersbourg, la révolution ne se fera pas attendre. Mais le caractère qu’elle prendra sera-t-il partout le même ? — Il est permis d’en douter.
Plus que probablement il y aura partout des actes d’expropriation accomplis sur une plus ou moins vaste échelle, et ces actes pratiqués par une des grandes nations européennes exerceront leur influence sur toutes les autres. Mais les débuts de la révolution offriront de grandes différences locales, et son développement ne sera pas toujours identique dans les divers pays. En 1789-1793, les paysans français mirent quatre années à abolir définitivement le rachat des droits féodaux, et les bourgeois à renverser la royauté. Ne l’oublions pas, et attendons-nous à voir la révolution mettre un certain temps à se développer. Soyons prêts à ne pas la voir marcher partout du même pas.