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Enfantée pendant une période transitoire, alors que les idées de socialisme et d’autorité subissaient une modification profonde ; née à l’issue d’une guerre, dans un foyer isolé, sous les canons des Prussiens, la Commune de Paris a dû succomber.

Mais, par son caractère éminemment populaire, elle commença une ère nouvelle dans la série des révolutions et, par ses idées, elle fut le précurseur de la grande révolution sociale. Les massacres inouïs, lâches et féroces par lesquels la bourgeoisie a célébré sa chute, la vengeance ignoble que les bourreaux ont exercée pendant neuf ans sur leurs prisonniers, ces orgies de cannibales ont creusé entre la bourgeoisie et le prolétariat un abîme qui jamais ne sera comblé. Lors de la prochaine révolution, le peuple saura à qui il a à faire ; il saura ce qui l’attend s’il ne remporte pas une victoire décisive, et il agira en conséquence.

En effet nous savons maintenant que le jour où la France se hérissera de Communes insurgées, le peuple ne devra plus se donner de gouvernement et attendre de ce gouvernement l’initiative des mesures révolutionnaires. Après avoir donné un bon coup de balai aux parasites qui le rongent, il s’emparera lui-même de toute la richesse sociale, pour la mettre en commun, selon les principes du communisme anarchiste. Et lorsqu’il aura aboli complètement la propriété, le gouvernement et l’État, il se constituera librement selon les nécessités qui lui seront dictées par la vie elle-même. Brisant ses chaînes et renversant ses idoles, l’humanité marchera alors vers un meilleur avenir, ne connaissant plus ni maîtres ni esclaves, ne gardant de la vénération que pour les nobles martyrs qui ont payé de leur sang et de leurs souffrances ces premières tentatives d’émancipation, qui nous ont éclairés dans notre marche vers la conquête de la liberté.