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Après avoir enfermé le peuple de Paris et bouché toutes les issues, ils lancèrent les soldats abrutis par la caserne et le vin et leur dirent en pleine Assemblée : « Tuez ces loups, ces louves et ces louveteaux ! » Et au peuple, ils dirent[1] :

— « Quoi que tu fasses, tu vas périr ! Si l’on te prend les armes à la main, — la mort ! si tu déposes les armes, — la mort ! si tu frappes, — la mort ! Si tu implores, — la mort ! De quelque côté que tu tournes les yeux : à droite, à gauche, devant, derrière, en haut, en bas, — la mort ! Tu es non seulement hors la loi, mais hors l’humanité. Ni l’âge, ni le sexe, ne sauraient te sauver, ni toi, ni les tiens. Tu vas mourir, mais avant tu savoureras l’agonie de ta femme, de ta sœur, de ta mère, de tes filles, de tes fils, même au berceau ! on ira, sous tes yeux, prendre le blessé dans l’ambulance pour le hacher à coups de sabre-baïonnette, pour l’assommer à coup de crosse de fusil. On le tirera, vivant, par sa jambe brisée ou son bras saignant, et on le jettera dans le ruisseau, comme un paquet d’ordures qui hurle et qui souffre.

« La mort ! La mort ! La mort ! »

Et puis, après l’orgie effrénée sur les tas de cadavres, après l’extermination en masse, la vengeance mesquine et pourtant atroce qui dure encore, le martinet, les poucettes, les fers à fond de cale, les coups de fouet et la trique des argousins, les insultes, la faim, tous les raffinements de la cruauté.

Le peuple oubliera-t-il ces hautes-œuvres ?

« Terrassée, mais non vaincue », la Commune renaît aujourd’hui. Ce n’est plus seulement un rêve de vaincus caressant dans leur imagination un beau mirage d’espérance ; non ! « la Commune » devient aujourd’hui le but précis et visible de la Révolution qui gronde déjà près de nous. L’idée pénètre les masses, elle leur donne un drapeau, et nous comptons fermement sur la présente génération pour accomplir

  1. Nous empruntons ces lignes à l’Histoire populaire et parlementaire de la Commune de Paris, par Arthur Arnould, ouvrage que nous nous faisons un plaisir de rappeler à l’attention de lecteurs.