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entre les deux espèces, la plus forte tuant la plus faible ; mais ceci n’est en aucune façon nécessaire, et il peut y avoir des cas dans lesquels l’espèce la plus faible physiquement triomphera par son pouvoir de multiplication plus rapide, sa plus grande résistance aux vicissitudes du climat, ou sa plus grande habileté à échapper aux ennemis communs.


En de tels cas ce qu’on appelle compétition peut n’être pas du tout une compétition réelle. Une espèce succombe non parce qu’elle est exterminée ou affamée par une autre espèce, mais parce qu’elle ne s’accommode pas bien à de nouvelles conditions, tandis que l’autre sait s’y accommoder. Ici encore l’expression de « Lutte pour la vie », est employée au sens métaphorique, et ne peut en avoir d’autre. Quant à une réelle compétition entre individus de la même espèce, dont un exemple est donné en un autre passage concernant les bestiaux de l’Amérique du Sud pendant une période de sécheresse, la valeur de cet exemple est diminuée par ce fait qu’il s’agit d’animaux domestiques. Dans des circonstances semblables les bisons émigrent afin d’éviter la lutte. Quelque dure que soit la lutte entre les plantes — et ceci est abondamment prouvé — nous ne pouvons que répéter la remarque de Wallace, qui fait observer que « les plantes vivent où elles peuvent », tandis que les animaux ont dans une large mesure la possibilité de choisir leur résidence. Si bien que nous nous demandons à nouveau : jusqu’à quel point la compétition existe-t-elle réellement dans chaque espèce animale ? Sur quoi cette présomption est-elle basée ?

Il faut faire la même remarque touchant l’argument indirect en faveur d’une implacable compétition et d’une lutte pour la vie au sein de chaque espèce, argument qui est tiré de « l’extermination des variétés