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fères. Nous trouvons des habitudes de sociabilité même chez les carnivores et nous ne pouvons citer que la tribu des félins (lions, tigres, léopards, etc.) dont les membres préfèrent l’isolement à la société et ne se réunissent que rarement en petits groupes. Et cependant, même parmi les lions, « c’est une habitude courante que de chasser en compagnie[1] ». Les deux tribus des civettes (Viverridæ) et des belettes (Mustelidæ) peuvent aussi être caractérisées par leur vie isolée ; mais on sait qu’au dernier siècle la belette commune était plus sociable qu’elle ne l’est aujourd’hui ; on la voyait alors en groupements beaucoup plus importants en Écosse et dans le canton d’Unterwalden en Suisse. Quant à la grande tribu canine, elle est éminemment sociable, et l’association pour la chasse peut être considérée comme un trait caractéristique de ses nombreuses espèces. Il est bien connu, en effet, que les loups se réunissent en bandes pour chasser, et Tschudi nous a parfaitement décrit comment ils se forment en demi-cercle, pour entourer une vache paissant sur une pente de montagne, s’élancent tout d’un coup en poussant de grands aboiements et la font rouler dans un précipice[2]. Audubon, vers 1830, vit aussi les loups du Labrador chasser en bandes, et une bande suivre un homme jusqu’à sa hutte et tuer les chiens. Pendant les hivers rigoureux les bandes de loups deviennent si nombreuses qu’elles constituent un danger pour les hommes ; tel fut le cas en France il y a environ quarante-cinq ans. Dans les steppes russes ils n’attaquent jamais les chevaux qu’en bandes ; et cependant ils ont à soutenir des combats acharnés, au cours desquels les chevaux

  1. S. W. Baker, Wild Beasts, etc., vol, I, p. 316.
  2. Tschadi, Thierleben der Alpenwelt, p. 404.