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bon ; quand deux perroquets captifs, quoique appartenant à deux espèces différentes, ont contracté une amitié réciproque, la mort accidentelle d’un des deux amis a quelquefois été suivie par la mort de l’autre qui succombait de douleur et de tristesse. Il n’est pas moins évident que leur état de société leur fournit une protection infiniment plus efficace que tout développement de bec ou d’ongles, si parfait qu’on l’imagine.

Très peu d’oiseaux de proie ou de mammifères osent s’attaquer aux perroquets, sinon aux plus petites espèces, et Brehm a bien raison de dire des perroquets, comme il le dit aussi des grues et des singes sociables, qu’ils n’ont guère d’autres ennemis que les hommes ; et il ajoute : « Il est très probable que les plus grands perroquets meurent surtout de vieillesse, plutôt qu’ils ne succombent sous la griffe d’ennemis. » L’homme seul, grâce aux armes et à l’intelligence supérieure, qu’il doit aussi à l’association, réussit à les détruire en partie. Leur longévité même apparaît ainsi comme un résultat de leur vie sociale. Ne pourrions-nous en dire autant de leur merveilleuse mémoire, dont le développement doit aussi être favorisé par la vie en société et par la pleine jouissance de leurs facultés mentales et physiques jusqu’à un âge très avancé ?

Comme on le voit par ce qui précède, la guerre de chacun contre tous n’est pas la loi de la nature. L’entr’aide est autant une loi de la nature que la lutte réciproque, et cette loi nous paraîtra encore plus évidente quand nous aurons examiné quelques autres associations chez les oiseaux et chez les mammifères. On peut déjà entrevoir l’importance de la loi de l’entr’aide dans l’évolution du règne animal, mais la signification de cette loi sera encore plus claire quand, après avoir examiné quelques autres exemples, nous serons amenés à conclure.