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leur intelligence ; elles se rendent compte en un instant des circonstances nouvelles et agissent en conséquence. Leurs sentinelles font toujours le guet autour de la troupe quand celle-ci est en train de manger ou de se reposer, et les chasseurs savent combien il est difficile de les approcher. Si l’homme a réussi à les surprendre, elles ne retournent jamais au même endroit sans avoir envoyé d’abord un éclaireur, puis une bande d’éclaireurs ; et quand cette troupe de reconnaissance revient et rapporte qu’il n’y a pas de danger, un second groupe d’éclaireurs est envoyé pour vérifier le premier rapport avant que la bande entière ne bouge. Les grues contractent de véritables amitiés avec des espèces parentes ; et, en captivité, il n’y a pas d’oiseau (excepté le perroquet, sociable aussi et extrêmement intelligent), qui noue une aussi réelle amitié avec l’homme. « Elles ne voient pas dans l’homme un maître, mais un ami, et s’efforcent de le lui montrer », conclut Brehm, à la suite d’une longue expérience personnelle. La grue est en continuelle activité, commençant de grand matin et finissant tard dans la nuit ; mais elle ne consacre que quelques heures seulement à la recherche de sa nourriture, en grande partie végétale. Tout le reste du jour est donné à la vie sociale. « Elles ramassent de petits morceaux de bois ou de petites pierres, les jettent en l’air et essayent de les attraper ; elles courbent leurs cous, ouvrent leurs ailes, dansent, sautent, courent et essayent de manifester par tous les moyens leurs heureuses dispositions d’esprit, et toujours elles demeurent belles et gracieuses[1]. » Comme elles vivent en société, elles n’ont presque pas d’ennemis ; et Brehm qui a eu l’occasion de voir l’une d’entre

  1. Brehm, IV, p. 671 et suivantes.