Page:Kropotkine - L Entraide un facteur de l evolution, traduction Breal, Hachette 1906.djvu/41

Cette page a été validée par deux contributeurs.

termites ne se sont élevés à la conception d’une plus haute solidarité comprenant l’ensemble de l’espèce. À cet égard ils n’ont pas atteint un degré de développement que nous ne trouvons d’ailleurs pas non plus chez nos sommités politiques, scientifiques et religieuses. Leurs instincts sociaux ne s’étendent guère au delà des limites de la ruche ou de la fourmilière. Cependant, des colonies ne comptant pas moins de deux cents fourmilières, et appartenant à deux espèces différentes de fourmis (Formica exsecta et F. pressilabris) ont été décrites par Forel qui les a observées sur le mont Tendre et le mont Salève ; Forel affirme que les membres de ces colonies se reconnaissent tous entre eux, et qu’ils participent tous à la défense commune. En Pennsylvanie M. Mac Cook vit même une nation de 1600 à 1700 fourmilières, de fourmis bâtisseuses de tertres, vivant toutes en parfaite intelligence ; et M. Bates a décrit les monticules des termites couvrant des grandes surfaces dans les « campos », — quelques-uns de ces monticules étant le refuge de deux ou trois espèces différentes, et la plupart reliés entre eux par des arcades ou des galeries voûtées[1]. C’est ainsi qu’on constate même chez les invertébrés quelques exemples d’association de grandes masses d’individus pour la protection mutuelle.

Passant maintenant aux animaux plus élevés, nous trouvons beaucoup plus d’exemples d’aide mutuelle, incontestablement consciente ; mais il nous faut reconnaître tout d’abord que notre connaissance de la vie même des animaux supérieurs est encore très imparfaite. Un grand nombre de faits ont été recueillis

  1. H. W. Bates, The Naturalist on the River Amazons, II, 59 et suivantes.