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autre cause, sans lesquels un insecte vivant isolé pourrait à peine échapper à une destruction totale. Cependant, grâce à l’aide mutuelle, elles atteignent à la grande extension que nous connaissons et à l’intelligence que nous admirons. Par le travail en commun elles multiplient leurs forces individuelles ; au moyen d’une division temporaire du travail et de l’aptitude qu’a chaque abeille d’accomplir toute espèce de travail quand cela est nécessaire, elles parviennent à un degré de bien-être et de sécurité qu’aucun animal isolé ne peut atteindre, si fort ou si bien armé soit-il. Souvent elles réussissent mieux dans leurs combinaisons que l’homme, quand celui-ci néglige de mettre à profit une aide mutuelle bien combinée. Ainsi, quand un nouvel essaim est sur le point de quitter la ruche pour aller à la recherche d’une nouvelle demeure, un certain nombre d’abeilles font une reconnaissance préliminaire du voisinage, et si elles découvrent une demeure convenable — un vieux panier ou quelques chose de ce genre — elles en prennent possession, le nettoient et le gardent quelquefois pendant une semaine entière, jusqu’à ce que l’essaim vienne s’y établir. Combien de colons humains, moins avisés que les abeilles, périssent dans des pays nouveaux, faute d’avoir compris la nécessité de combiner leurs efforts ! En associant leurs intelligences, elles réussissent à triompher des circonstances adverses, même dans des cas tout à fait imprévus et extraordinaires. À l’Exposition universelle de Paris (1889), les abeilles avaient été placées dans une ruche munie d’une plaque de verre, qui permettait au public de voir dans l’intérieur, en entr’ouvrant un volet attaché à la plaque ; comme la lumière produite par l’ouverture du volet les gênait, elles finirent par souder le volet à la plaque au moyen de leur propolis résineux. D’autre part, elles ne mon-