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jours ; la cohabitation des familles dans les « longues maisons » ; l’obligation d’élever l’orphelin incombant, même à une époque avancée, à l’oncle maternel ; le nombre considérable de formes transitoires montrant le passage graduel de la filiation maternelle à la filiation paternelle ; la limitation du nombre des enfants par le clan — non pas la famille — et l’abolition de cette mesure rigoureuse en temps d’abondance : les restrictions de la famille apparaissant après les restrictions du clan ; le sacrifice des vieux dans l’intérêt de la tribu ; la loi du talion incombant à la tribu, et beaucoup d’autres habitudes et coutumes qui ne deviennent « affaires de famille » que lorsque nous trouvons la famille, dans le sens moderne du mot, enfin constituée ; les cérémonies nuptiales et prénuptiales, dont on trouve des exemples caractéristiques dans l’ouvrage de Sir John Lubbock et dans ceux de plusieurs auteurs russes modernes ; l’absence des solennités du mariage là où la ligne de filiation est maternelle, et l’apparition de ces solennités chez les tribus où la ligne de filiation devient paternelle — ces faits et beaucoup d’autres encore[1] montrant, comme le fait observer Durkheim, que le mariage proprement dit « n’est que toléré, et que des forces antagonistes s’y opposent » ; la destruction, à la mort d’un individu, de tout ce qui lui appartenait personnellement ; et enfin la grande quantité de traditions[2], de mythes (voir Bachofen et ses nombreux disciples), de folklore, etc... tout parle dans le même sens.

Naturellement cela ne prouve pas qu’il y eût eu une période où la femme fut regardée comme supérieure à l’homme, ou fut « à la tête » du clan ; c’est là une question tout à fait différente, et mon opinion personnelle est qu’une telle période n’exista jamais. Cela ne prouve pas non plus qu’il y eût un temps où il n’exista aucune res-

  1. Voir Marriage Customs in many Lands, par H. N. Hutchinson, Londres, 1897.
  2. Beaucoup de formes nouvelles et intéressantes de ces traditions ont été réunies par Wilhelm Rudeek, Geschichte der öffentlichen Sittlichkelt in Deutschland, ouvrage analysé par Durckheim dans l’Annuaire sociologique, II, 312.