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les défenseurs de la théorie de la famille patriarcale devraient au moins nous démontrer, c’est comment le cycle des institutions citées plus haut (et qui ont disparu plus tard) aurait pu exister dans une agglomération d’hommes vivant sous un système contradictoire à de telles institutions — le système des familles séparées, gouvernées par le paterfamilias.

La manière dont certaines sérieuses difficultés sont mises de côté par les promoteurs de la théorie de la famille patriarcale n’est guère plus scientifique. Ainsi Morgan a montré par un grand nombre de preuves qu’il existe chez beaucoup de tribus primitives un système strictement observé de « classification des groupes », et que tous les individus de la même catégorie s’adressent la parole les uns aux autres comme s’ils étaient frères et sœurs, tandis que les individus d’une catégorie plus jeune s’adressent aux sœurs de leur mère comme à d’autres mères, — et ainsi de suite. Dire que ceci n’est qu’une simple façon de parler — une façon d’exprimer le respect aux personnes plus âgées — c’est se débarrasser aisément de la difficulté d’expliquer, pourquoi ce mode spécial d’exprimer du respect, et pas un autre, a prévalu parmi tant de peuples d’origine différente, au point de subsister chez beaucoup d’entre eux jusqu’à aujourd’hui. On peut admettre que ma et pa sont les syllabes les plus faciles à prononcer pour un bébé, mais la question est : Pourquoi ces vocables du langage enfantin sont-ils employés par des adultes, et appliqués à une certaine catégorie bien définie de personnes ? Pourquoi chez tant de tribus où la mère et ses sœurs sont appelées ma, le père est désigné par tiatia (analogue à diadia — oncle), dad, da ou pa ? Pourquoi l’appellation de mère, donnée aux tantes maternelles, est-elle remplacée plus tard par un nom distinct ? Et ainsi de suite. Mais quand nous apprenons que chez beaucoup de sauvages la sœur de la mère assume une aussi grande responsabilité dans les soins donnés à l’enfant que la mère elle-même, et que si la mort enlève l’enfant aimé, l’autre « mère » (la sœur de la mère) se sacrifie pour accompagner l’enfant dans son voyage vers l’autre monde — nous voyons certainement dans ces noms