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sur ce mur, le train te tuera si tu tombes de l’autre côté ! Ne t’approche pas du fossé ! Ne mange pas ces fruits — c’est du poison ! tu mourrais ! » Tels sont les premiers enseignements que reçoivent les gamins quand ils se mêlent à leurs camarades de la rue. Combien d’enfants qui ont joué sur le pavé des rues autour des « maisons ouvrières modèles » ou sur les quais et les ponts des canaux, seraient écrasés par les voitures ou noyés dans les eaux bourbeuses, s’ils ne trouvaient cette sorte de soutien mutuel ! Et lorsqu’un blond petit Jacquot a glissé dans le fossé sans barrière de la cour du laitier, ou qu’un petite Lizzie aux joues roses est, malgré tout, tombée dans le canal, la jeune nichée d’enfants pousse de tels cris que tout le voisinage entend l’alarme et s’élance au secours.


Puis il y a l’alliance que forment les mères entre elles. « Vous ne pouvez vous imaginer, me disait dernièrement une dame docteur qui vit dans un quartier pauvre, combien elles s’aident les unes les autres. Si une femme n’a rien préparé, ou ne pouvait rien préparer pour le bébé qu’elle attend — et combien cela arrive souvent — toutes les voisines apportent quelque chose pour le nouveau-né. Une des voisines prend toujours soin des enfants, et quelque autre vient s’occuper du ménage, tant que la mère est au lit. » Cette habitude est générale. Tous ceux qui ont vécu parmi les pauvres le diront. De mille façons les mères se soutiennent les unes les autres et donnent leurs soins à des enfants qui ne sont pas les leurs. Il faut quelque habitude — bonne ou mauvaise, laissons-les le décider elles-mêmes — à une dame des classes riches pour la rendre capable de passer devant un enfant tremblant et affamé dans la rue sans faire attention à lui. Mais les mères des classes pauvres n’ont pas cette habitude.