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sentiments humains d’entr’aide et de sympathie, l’Église chrétienne a aidé l’État à détruire toutes les institutions d’entr’aide et de soutien mutuel déjà formées antérieurement ou qui se développaient en dehors d’elle ; au lieu de l’entr’aide, que tout sauvage considère comme due à son allié, elle a prêché la charité qui prend un caractère d’inspiration divine et en conséquence implique une certaine supériorité de celui qui donne sur celui qui reçoit. Avec cette réserve, et sans intention d’offenser ceux qui se considèrent comme un corps élu, alors qu’ils accomplissent des actes simplement humains, nous pouvons certainement considérer le nombre immense des associations charitables religieuses comme un résultat de la même tendance à l’entr’aide.


Tous ces faits montrent que la poursuite impitoyable d’intérêts personnels, sans égard aux besoins des autres, n’est pas la seule caractéristique de la vie moderne. A côté de ce courant qui réclame si orgueilleusement la direction des affaires humaines, nous voyons qu’une lutte obstinée est soutenue par les populations rurales et industrielles afin de reformer à nouveau des institutions durables d’aide et d’appui mutuels ; et nous découvrons, dans toutes les classes de la société, un mouvement très étendu vers l’établissement d’une variété infinie d’institutions plus ou moins permanentes dans le même but. Mais quand nous passons de la vie publique à la vie privée des individus modernes, nous découvrons tout un autre monde d’aide et de soutien mutuels, que la plupart des sociologues ne remarquent pas, parce qu’il est limité au cercle étroit de la famille et de l’amitié personnelle[1].

  1. Très peu d’écrivains en sociologie y ont fait attention. Le