Page:Kropotkine - L Entraide un facteur de l evolution, traduction Breal, Hachette 1906.djvu/327

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

main, même dans des buts littéraires, artistiques ou d’éducation. Des sociétés ne pouvaient se former que sous la protection de l’État ou de l’Église, ou comme des confréries secrètes, à la façon de la franc-maçonnerie. Mais maintenant que la résistance a été brisée, elles essaiment dans toutes les directions, elles s’étendent dans toutes les branches multiples de l’activité humaine, elles deviennent internationales, et elles contribuent incontestablement à un degré qui ne peut encore être pleinement apprécié, à renverser les barrières élevées par les États entre les différentes nationalités. En dépit des jalousies engendrées par les rivalités commerciales, et des provocations à la haine que fait entendre encore le fantôme d’un passé qui s’évanouit, la conscience d’une solidarité internationale se développe parmi les meilleurs esprits du monde, ainsi que dans la masse des ouvriers, depuis qu’ils ont conquis le droit aux rapports internationaux ; et cet esprit de solidarité internationale a déjà contribué à empêcher une guerre européenne durant le dernier quart de siècle.

Les associations religieuses charitables qui représentent tout un monde, doivent, elles aussi, être citées ici. Il n’y a pas de doute, que la grande masse de leurs membres soient animés des mêmes sentiments d’entr’aide qui sont communs à toute l’humanité. Malheureusement les pasteurs religieux des hommes préfèrent attribuer à ces sentiments une origine surnaturelle. Beaucoup d’entre eux prétendent que l’homme n’obéit pas consciemment à l’inspiration d’entr’aide tant qu’il n’a pas été illuminé par les enseignements de la religion spéciale qu’ils représentent, et, avec saint Augustin, la plupart d’entre eux ne reconnaissent pas de tels sentiments chez le « sauvage païen ». De plus, tandis que le Christianisme primitif, comme toutes les autres religions, était un appel aux grands